Bruce Swedien, magicien du son Jackson

Bruce Swedien, fidèle ingénieur du son de Michael Jackson est malheureusement décédé cette semaine. Pour lui rendre hommage et rappeler l’empreinte de Bruce sur l’oeuvre de Michael et sur le monde de la musique, nous partageons cet article écrit par Isabelle Petitjean et publié dans le MJBackstage magazine.

Sonoriste et architecte de la voix de Michael Jackson de 1979 à 2001, Bruce Swedien, surnommé le «philosophe du son», est celui qui a fait basculer le statut d’ingénieur du son de technicien à co-artiste. Sa carrière traverse toutes les évolutions du travail en studio du XXeme siècle. Il a pourtant gardé cette même devise : «Music First», relé-guant au second plan un recours à la technologie qu’il juge souvent, dans les musiques populaires, trop systématique et artificiel. Une des clés du son Jackson? Immanquablement…

Bruce Swedien est un ingénieur du son et un producteur de musique d’origine scandinave né à Minneapolis en 1934. Fameux collaborateur de Quincy Jones et de Michael Jackson, dont il a enregistré la plupart des albums entre 1979 et 2001, il a remporté cinq Grammy et a été nominé treize fois. La carrière de Bruce Swedien dans le monde de l’enregistrement a commencé avec la musique d’époque post-swing (Count Basie, Duke Ellington, Dizzy Gillespie, Lionel Hampton, Quincy Jones, Oscar Peterson, Herbie Hancock, Tommy Dorsey et Jeff Oster) et a continué jusqu’aux technologies digitales et multimédias actuelles, en passant par des artistes pop comme Patti Austin, Natalie Cole, Roberta Flack, Mick Jagger, Jennifer Lopez, Paul McCartney, Diana Ross, Rufus, Chaka Khan, Barbara Streisand, Donna Summer, Sarah Vaughan et le groupe de zouk Kassav‘. Il a écrit la musique des films Night Shift, la Couleur Pourpre et Running Scared.

Le 10 novembre 2001, le Roi de Suède Carl Gustav XVI lui a re-mis un doctorat honorifique en philosophie à l’Université de Tech-nologie de Lulea, pour ses succès en tant qu’ingénieur du son. Bruce Swedien, qui a commencé son métier alors que le travail de studio en était à ses balbutiements, donne des master-class-es dans le monde entier. Il a ainsi traversé toutes les époques, connu toutes les évolutions techniques du métier, et s’est forgé une réputation de pionnier autant que d’artisan, dont la devise : « Music first », évoque une philosophie du son qui ne mise pas tout sur les seules prouesses technologiques.

Avec sa méthode de travail originale, baptisée par Quincy Jones Acusonic Recording Process, il a su faire du son un élément architectural tridimensionnel et faire repenser la notion de stéréophonie à toute une génération d’ingénieurs. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’écouter les pistes de l’album Sounds And Stuff Like That !! de Quincy Jones, Give Me The Night de George Benson et les albums de Michael Jackson.

Bruce Swedien est né et a grandi à Minneapolis (Minnesota). Fils de musiciens professionnels (sa mère chantait avec le chœur symphonique de Minneapolis), il a baigné dans un climat musical dès la petite enfance. Il avait en effet l’habitude d’assister aux répétitions de l’orchestre symphonique de Minneapolis et ceci n’est pas demeuré sans conséquence sur sa philosophie du son. Ayant appris le piano pendant huit ans, c’est cependant son intérêt pour l’enregistrement qui va prendre le pas. Il sera toujours encouragé par ses parents qui vont lui acheter son premier enregistreur pour son dixième anniversaire et lui permettre de faire ses propres expériences.

Il voue, durant son adolescence, une profonde admiration à Bill Putnam, fondateur de l’University Recording de Chicago et de l’U.R.E.I, l’une des sociétés les plus innovantes de l’époque. Bill Putnam est, en effet, le pionnier à l’origine de la plupart des techniques encore en usage à l’heure actuelle dans les studios, comme la réverbération et l’écho.

Mais avant d’entrer à l’Université et de travailler pour lui, il continue, à Minneapolis, ses enregistrements d’orchestres classiques et de chœurs, auxquels s’adjoindront ses premiers enregistrements de musique populaire et de jazz. Durant ses années universi-taires, il dirige un temps le département d’enregistrement de la Schmidt Music Company à Minneapolis et travaille pour la premi-ère fois avec de grandes vedettes comme Tito Guizar et Tommy Dorsey. C’est à cette époque qu’il rachète un vieux théâtre pour le transformer en studio, toujours utilisé en tant que tel aujourd’hui et centre d’organisation de nombreuses masterclasses.

En 1957, Bruce Swedien intègre le tout nouveau studio de Putnam, basé à Chicago, et commence à travailler pour Universal. C’est en enregistrant Dinah Washington et Sarah Vaughan qu’il initie sa collaboration et une profonde amitié avec Quincy Jones, alors vice président de Mercury Records. Déjà à cette époque, son approche de l’enregistrement sonore va attirer à lui de grandes références comme Count Basie ou Duke Ellington avec lesquels il testera son premier multipistes (un trois-pistes) qu’il utilisait déjà avec une certaine finesse pour rééquilibrer la relation entre le chant principal ou l’instrument solo (piste 2) et l’orchestre, placé en mix stéréo (pistes 1 et 3), pouvant ainsi modifier le rapport entre la voix principale et le solo de l’orchestre. Avec ses pratiques réfléchies, Bruce Swedien est celui qui va peu à peu contribuer à remodeler l’image de l’ingénieur du son, qui n’était encore considéré à cette époque que comme technicien par les maisons de disques.

Rencontre et collaboration avec Michael Jackson

Bruce Swedien a rencontré Michael Jackson par l’intermédiaire de Quincy Jones en 1977, sur le tournage du film The Wiz. Quincy Jones avait composé et arrangé certaines chansons et s’occupait de la direction musicale, Bruce Swedien enregistrait la musique et Michael Jackson jouait le second rôle du film. Michael Jackson étant à l’époque à la recherche d’un pro-ducteur pour prendre en main sérieusement sa carrière solo, il se tourne vers Quincy Jones qui accepte, conquis par les capacités et le professionnalisme du jeune homme durant le tournage.

Off the wall, en 1979 naîtra donc de cette triple collaboration et marquera un virage fondamental. Il est aussi le premier album ouvrant une longue collaboration et une amitié profonde entre Michael Jackson et Bruce Swedien, puisque ceux-ci travailleront ensemble jusqu’à la sortie d’Invincible, dernier album de l’artiste, en 2001. Premier ingénieur du son mais également producteur et compositeur, Bruce Swedien jouera un rôle pri-mordial dans le modelage du « son » Jackson, dont l’ambition principale était l’unicité sonore. Ainsi, Off the wall, Thriller, Bad seront façonnés avec Quincy Jones, avant que celui-ci ne vaque à d’autres projets et ne laisse le duo Jackson-Swedien poursuivre sa route avec Dangerous, HIStory et Invincible.

Une quête commune : Music First

Si le producteur Quincy Jones est le vecteur de la rencontre entre Bruce Swedien et Michael Jackson en 1979, c’est bien Michael Jackson lui-même, comme producteur mais surtout comme artiste, qui prolongera et scellera pour de longues années sa collaboration avec l’ingénieur du son, bien après la scission avec son instigateur. Fournir un travail de précision et veiller aux détails dans leurs moindres mesures sont deux traits professionnels qui ont rapproché les deux hommes. Maisau-delà, c’est autour de la quête d’une certaine authenticité que s’est scellée leur collaboration, mise en œuvre par la corporalité vocale du chanteur et par l’approche technique la plus naturelle possible de l’ingénieur.

L’authenticité, pour Bruce Swedien, commence par le respect de la substance musicale originelle d’une chanson. Ainsi, il ex-plique que si, la plupart du temps, les chansons finalisées sont, suite à d’innombrables remodelages en studio, généralement très éloignées de leur concept original pour finir dissoutes dans le paysage sonore à la mode, sa démarche, en particulier avec Michael Jackson, s’est voulue justement inverse. Soucieux de ne pas quitter le concept initial toujours précisément défini par l’artiste (et souvent même enregistré vocalement de façon très complète, ce qui lui permettait d’y revenir régulièrement), attentif à l’esprit musical inhérent à chaque chanson, il a toujours cherché à restituer avec fidélité les intentions vocales du chan-teur dans une high fidelity qui n’a, selon ses propres termes, rien d’aseptisant.

De même que la masterisation ne constitue pas, pour Bruce Swedien, une ultime étape où l’on sauve la musique, il affirme ne pas être un adepte de la technologie corrective (et ce même en termes d’égalisation, qu’il préfère gérer directement dans la position du musicien face au micro, instrument par instrument, même dans le cas d’un orchestre) et lui préfère clairement une fonction créatrice.

Il faut noter que le souci porté aux détails du champ sonore orchestré par Bruce Swedien a été rendu possible par un choix alors d’avant-garde, qui est resté longtemps son exclusivité : l’utilisation des Monster Cable créés par son ami Noel Lee. Ceux-ci furent les premiers câbles haute-fidélité ayant pallié définitivement les degrés variables de performance audio réal-isés par les standards zip-cord, câbles jusqu’alors utilisés sans distinction pour le son, l’électricité ménagère et les lampes. C’est grâce à l’utilisation de connectiques en or 24 carats que sont donc nés ces câbles audiophoniques haute-performance, lesquels allaient améliorer considérablement pour Bruce Swedien, dès 1987 et l’album Bad, la finesse de perception des éléments mis en scène au sein du champ sonore et par-ticulièrement l’approche de la voix de Michael Jackson, dont les modes d’expressions, lyriques ou pointillistes, parsèment les différentes strates des chansons.

Isabelle Petitjean

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